dimanche 19 décembre 2010

La pauvreté en France, au Mali et en Inde à différentes échelles.

Comment peut-on définir la pauvreté ? On peut s'en tenir à une définition monétaire avec le seuil de pauvreté (qui fixe un niveau de revenu propre à chaque pays, au-dessous duquel on peut être considéré comme pauvre). A l'échelle mondiale, ce seuil correspond  à un revenu journalier de 1,25 dollars par habitant (soit 0,83 euros). En France, un individu est considéré comme "pauvre" quand ses revenus mensuels sont inférieurs à une somme située entre 791 et 949 euros (données 2008). Moins de 12% de la population française se situe sous le seuil de pauvreté. La France est un pays riche. Au Mali, le seuil de pauvreté est fixé autour de 3060 Francs CFA mensuels (moins de 5 euros). Plus de 60 % de la population malienne se situe sous ce seuil. Le Mali est un pays pauvre. En Inde, le seuil de pauvreté est différent en milieu urbain (510 roupies mensuels, près de 9 euros) et en milieu rural (360 roupies mensuels, 6 euros). Un peu de 30 % de la population indienne se situe sous ce seuil. L'Inde est un pays émergent.

Un autre indicateur créé par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement),  l'indicateur de pauvreté humaine (IPH), prend le revenu journalier d'une personne pour instrument de mesure. Si une population donnée vit avec moins de deux dollars américains par jour, elle est pauvre. Si elle vit avec moins de un dollar américain par jour, elle est extrêmement pauvre. La carte mondiale de l'IPH est à consulter par ici. La pauvreté monétaire est une notion relative.

Les indicateurs numéraires ne suffisent pas. Décrire la pauvreté, c'est aussi considérer des critères qualitatifs comme l'accès aux soins, les conditions matérielles de vie (logement, transport) ou le niveau d'instruction (école) et d'ouverture culturelle (accès aux médias). En outre, il faut tenir compte de l'échelle et du niveau économique des espaces dans lesquels un type donné de pauvreté s'inscrit. La pauvreté n'a pas la même apparence ni la même intensité en France, au Mali ou en Inde, en ville ou à la campagne, dans un centre urbain ou une périphérie.

A petite échelle : la pauvreté en France. 

En France, la pauvreté est en augmentation depuis quelques années. Elle peut toucher passagèrement une partie de la population. Elle se concentre chez les jeunes à leur entrée sur le marché du travail, chez certains retraités, chez les femmes (surtout celles qui sont peu qualifiées et isolées), les personnes les moins qualifiées et les populations récemment immigrées. Elle touche des actifs (pas forcément des chômeurs) qui éprouvent des difficultés à payer un loyer et des factures, à s'équiper (la voiture), à accéder à des formes communes de loisirs, voire à se nourrir. Elle se concentre dans les périphéries dites difficiles (les "quartiers") des grandes métropoles.



A moyenne échelle : la pauvreté dans les campagnes maliennes.

Le Mali est un pays rural classé parmi les dix PMA (pays les moins avancés) les plus pauvres. La population pauvre se concentre essentiellement en milieu rural. Voici des statistiques montrant les difficultés des familles rurales à s'équiper en matériel agricole et domestique :

Pourcentage des familles les moins pauvres qui possèdent en 2008 :
-un araire : 28%
-une charrette : 27%
-un tracteur : 0,1%
-une pompe électrique pour puiser de l'eau au puits : 0,7%
-une voiture : 6,4%
-une télévision : 27%
-un téléphone : 4%           

Certains témoignages filmés rendent comptent de cette pauvreté au sein de villages traditionnels, avec l'absence apparente d'équipements extérieurs (routes et trottoirs, égouts, infrastructures électriques).



Pourtant, cette vidéo (TV 5) montre qu'il est possible de nuancer une vision un peu trop pessimiste des conditions économiques de cette nation d'Afrique de l'Ouest. Par ici. Reste à voir si la population pourra profiter de ces perspectives...

A plus grande échelle, un objet de communication courant comme le téléphone portable a révolutionné en quelques années la vie quotidienne d'une partie de la population rurale, en permettant un désenclavement régional, voire continental des populations et la rupture de leur isolement.

"[...] Le téléphone portable est utilisé aujourd’hui en milieu rural dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage. L’irrégularité de pluie en période hivernale ne laisse pas les paysans indifférents et chacun a envie de savoir où il pleut et où il ne pleut pas. Pour cela, ils utilisent le téléphone pour s’informer entre eux de village en village. De même, ils s’informent pour l’abondance d’herbes pour les animaux à tel ou tel lieu. Les peulhs nomades, voulant quitter un lieu pour un autre avec leurs animaux s’assurent d’abord de la bonne piste pour éviter les champs. En cas de perte d’animal auparavant, le paysan en vélo, passe de village en village à la recherche de son animal. Si c’est un cas de vol, des fois il se trouve sur la trace du voleur, mais celui-ci ayant longtemps pris la route, le propriétaire ne peut pas l’atteindre. Aujourd’hui, le système de recherche d’animaux égarés est très simple. Avec une carte de recharge dans le téléphone, les villages environnants sont très tôt informés et le propriétaire a forte chance de retrouver son animal. En cas de panne de moto et de manque de carburant entre les villages, le téléphone est utilisé pour appeler un parent à venir au secours. Il y a beaucoup d’autres petites activités pour lesquelles le téléphone est utilisé en milieu rural et beaucoup de personnes en possèdent aujourd’hui. Cela a été aussi une occasion pour les enfants en ville ou dans d’autres pays de rester en permanence en contact avec leurs parents au village. La vieille grand-mère au fond de sa case au village, ne passe plus la journée à demander la condition de vie de son petit fils à l’aventure comme avant. Un jeune à l’aventure, loin de ses parents, est toujours et immédiatement informé à partir du village s’il y a un événement important dans la famille."

 D'après Boukary Konaté, www.Avenue 223.com, 15 décembre 2009.

A grande échelle : la pauvreté à Bombay (Inde).

A une plus grande échelle, celle d'une métropole comme Bombay (ou Mumbai), les bidonvilles montrent d'autres formes de pauvreté. Danny Boyle les a illutrés de manière bien caricaturale dans son Slumdog Millionair (2008). Voici la séquence initiale, qui décrit un slum à l'occasion d'une poursuite entre des enfants des rues et la police.  


Cette vidéo (TV  5) décrit les conditions de vie d'une famille composée de femmes abandonnées par leurs maris et sans travail. On devine la  promiscuité, la faiblesse des revenus et des équipements domestiques, les problèmes de santé, la monotonie d'une vie dévolue entièrement au travail et à la recherche de nourriture. Par ici.

Cette vidéo, un rien excessive, montre  les forts contrastes de développement présents à Bombay. Cette métropole de 16 millions d'habitants (de 23 millions si l'on prend en compte la totalité de l'agglomération) est la capitale économique et culturelle de l'Inde (le fameux Bollywood), qui accumule pourtant des slums comme Darhavi (le plus dense d'Asie, avec plus de 700 000 personnes sur un peu plus de un kilomètre carré, aujourd'hui en voie de destruction).


Bombay Life - Contraste Richesse Pauvreté
envoyé par zoutou. - Evadez-vous en vidéo.

Pourtant, on trouve à Darhavi une économie informelle fondée sur le recyclage des déchets de la métropole. Ici, malgré la faiblesse des salaires et la dangerosité du travail de trieur, une activité lucrative et écologique s'est peu à peu mise en place.

"[...] A l'entrée de l'allée, le sol d'un petit local est jonché de dizaines de milliers de bouteilles en plastique. Un fort relent s'en dégage. Deux femmes et un homme s'attachent ici à séparer les bouteilles en fonction de la couleur et la qualité de leur plastique. Ils les répartissent ensuite dans les gigantesques sacs qui leur sont assignés. Un peu plus loin, dans un grenier poussiéreux, trois femmes sont accroupies à trier les morceaux d'un plastique blanc. Ailleurs, un homme se consacre à fusionner les morceaux de fer ramassés dans les décharges. Les ateliers de ce type sont légion dans Dharavi. Possédés par des propriétaires privés, ils emploient généralement les familles de ceux-là même qui ramassent les ordures dans la rue ou dans les décharges. On y trouve le plus souvent des femmes ou de jeunes hommes qui seront payés entre 80 et 150 roupies (1,15/2,15 euros) pour une journée de labeur. Une fois les déchets triés, ils sont vendus à de petits marchands généralistes (scrap-dealers ou littéralement « marchand de morceaux ») qui achètent en vrac tous types de déchets à des prix dérisoires. Lorsque qu'un type de marchandise est en quantité suffisante, généralement de quoi remplir un camion, ces petits marchands le revendent à de plus gros négociants, spécialisés eux. Un peu plus loin dans le bidonville, là où la ruelle parsemée de flaques noires devient une modeste rue pavée, se trouve justement l'entrepôt d'un de ces commerçants spécialisés. Inutile de demander à Sharash Jani dans quelle filière il est : les tas de papiers montant au plafond parlent d'eux-mêmes. Venant d'une famille émigrée du Gujarat, il a repris le business que son père a fondé il y a maintenant près de cinquante ans : « Je traite environ cinq à sept types de papiers différents. La cargaison m'est fournie à la fois par les petits vendeurs et les rejets industriels. J'accumule une quantité suffisamment importante et la revend ensuite aux usines de papier. » Il affirme acheter le kilogramme de papier entre 1 et 2 roupies et le revendre 18 aux usines. Son revenu mensuel se monte ainsi à environ 15 000 roupies par mois (215 euros). Lorsqu'on l'interroge sur les changements intervenus dans le circuit de recyclage au cours du temps, il répond : « Les quantités de papier ont diminué. Maintenant de plus en plus de choses sont en plastique, ce qui est beaucoup plus nuisible à l'environnement.» S'il remarque également « une mécanisation plus importante », cela ne concerne que les moyens mis à sa disposition pour déplacer sa marchandise vers les acheteurs et non pas le circuit qui amène le papier jusqu'à lui. En effet, l'amont de la chaîne de recyclage relève de l'artisanat le plus complet. La boucle est ainsi bouclée. Les ordures, une fois passée par le filtrage de Dharavi, retournent dans les usines, sont reconditionnées en produit de consommation et repartent dans le circuit. 80% des ordures ainsi recyclées à Bombay proviennent de Dharavi. Là où les responsables politiques ont déserté s'est développée toute une économie informelle, peu glamoureuse certes mais nécessaire au bon fonctionnement de la ville toute entière. Selon les estimations, près de 6000 personnes vivent de cette chaîne de recyclage.[...]"
D'après Alexandre Marchand, www.rue89.com, 14 octobre 2009.

En moyenne, ces activités de recyclage (donc de développement durable) permettent à un travailleur de Dharavi de gagner deux fois plus d'argent qu'un agriculteur du nord de l'Inde. Ajoutons en outre que la plupart des habitants de ce bidonville ont des emplois de fonctionnaires ou de commerçants dans le péricentre. Mais  ils sont contraints à vivre dans des logements informels à cause de la flambée des loyers que connaît actuellement le centre-ville.  

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