samedi 20 novembre 2010

Habiter le monde rural

I Venteuil, un village viticole de la Marne (France).



Venteuil est un petit village de la vallée de la Marne (51) situé à une trentaine de kilomètres au sud de Reims, entre Épernay à l'est et Dormans à l'ouest.
Il est situé au cœur du vignoble champenois. Venteuil compte 558 habitants répartis en un village principal et deux petits hameaux, Arty à l'est et Tincourt à l'ouest. Ses coteaux (625 ha) sont exposés plein sud, ce qui permet de développer la culture de la vigne et la production de vin de Champagne. Venteuil compte près de 60 vignerons producteurs.

Une image issue de Google earth montre ci-dessus Venteuil et ses deux hameaux. On remarque la Marne couler en fond de vallée. Il y a plus de 200 mètres de dénivellation entre le bas et le somment du coteau. Sur celui-ci et autour du village, les petites parcelles s'organisent, traversées par des voies carrossées que les exploitants-récoltants empruntent pour cultiver leurs vignes.

En dessous, deux vues de Venteuil prises d'avions et du coteau d'en face. On voit bien le rayonnement des routes et des parcelles depuis le village. On note la faible superficie du bâti (moins de 2 kilomètres carré), la prédominance de maisons et l'absence d'infrastructures industrielles ou de loisirs.



Venteuil n'est pas un village isolé (moins de 10 km d'Epernay, moins de trente minutes de Reims en voiture). Pourtant, sa population décroît au fil du temps. Voici l'évolution démographique de Venteuil depuis 1962 (source INSEE) :
1962 562 habitants

1968 568 habitants

1975 580 habitants

1982 571 habitants

1990 553 habitants

1999 558 habitants

Ses habitants sont majoritairement des citadins qui ont choisi de vivre à la campagne tout en travaillant dans les villes proches, parfois jusqu'en région parisienne (le TGV passe à Reims, on met une heure en TER d'Epernay à Paris)

La proximité de quelques villes et l'intense utilisation de la voiture par les Venteuillats ont considérablement réduit la présence de services importants : si l'école continue à fonctionner (les couples jeunes avec enfants sont nombreux), il ne reste qu'un magasin (une boulangerie) et le passage hebdomadaire d'un commerçant itinérant sur la place de l'église.



Le village fait preuve de dynamisme

-par la modernité de sa production agricole. Voici un site d'exploitant-récoltant.
Voici une vidéo montrant le traitement des vignes par hélicoptère.


-par le développement de son tourisme, (ex : chambres d'hôtes, tourisme fluvial).



Agriculture, commerce et tourisme s'intriquent alors.


Des touristes revenant d'un séjour en région parisienne ou descendant du Nord peuvent visiter les caves des exploitants-récoltants et goûter aux produits. Agritourisme et tourisme œnologique (donc culturel) se mêlent intimement, conduisant les vignerons d'hier à mettre en scène leur environnement de travail et à entretenir un paysage de terroir protégé (Parc régional de la Montagne de Reims).

II Un village sénégalais au cœur de la savane.

Selon Google earth, un tel village ressemble à cela :

Un groupement de quelques cases entourées de terres agricoles mêlant pâtures et champs de céréales (sorgho, mil). on ne note pas la présence de matériels agricoles modernes. Des pistes relient le village à d'autres lieux très éloignés à travers la savane. L'isolement est grand d'autant que la population locale possède rarement des moyens de locomotion motorisés. Ce type de villages est à l'écart des grandes régions touristiques du littoral. On peut supposer que l'exode rural y est important : fuite due de la sécheresse (réduction de la durée des saisons humides dans la région) ou au manque de services et d'infrastructures locaux (écoles, hôpitaux).

Pourtant, loin des clichés sur la pauvreté de l'Afrique rurale de l'ouest et sur l'inévitable exode rural qui y sévit, voici deux exemples montrant un dynamisme rural surprenant :

Malgré les calamités régulières, les villageois du Sénégal ne sont pas condamnés à quitter leur terre pour se rendre en ville :
"[...] cet exode rural est peut-être en train d'être inversé. La densité et le faible coût des transports en commun favorise les campagnes car l'habitant du petit village reculé peut très bien se rendre en ville pour quelques achats ou voir la famille sans pour autant devoir y résider plusieurs jours. L'état des routes tend à s'améliorer et les travaux de la nouvelle autoroute dont le premier tronçon est déjà presque achevé (mai 2007) va profiter à la campagne plus qu'à Dakar. En outre, l'avènement du téléphone portable a permis aux villages de ne plus être isolés, surtout en cas de problème sanitaire. Alors qu'il pouvait falloir des heures il y a dix ans pour joindre une localité munie d'un téléphone et appeler une ambulance ou un taxi, c'est l'affaire aujourd'hui de quelques secondes.
Malgré tout, un certain nombre de «campagnards» ont dû s'installer en ville ces dernières années. Beaucoup ont commencé à fuir au cours des grandes sécheresses des années 80. Mais durant les premiers jours de l'hivernage, ils retournent dans leur grande majorité aider la famille dans les champs. Chaque sinistre agricole voit cependant partir des milliers de ruraux vers la ville : les criquets pélerins en 2004, les pluies de janvier 2002, la sécheresse 2003, etc.... sont autant de crises qui décident les paysans à partir. "
Source : Senegalaisement.com
Voici une vidéo montrant des efforts entrepris par une ONG européenne pour que les ruraux sénégalais restent au village.

Notons enfin que de tels villages développent des liens ténus avec le reste du monde, dans le cadre de la mondialisation : certaines de leurs productions sont commercialisées en Afrique et dans le reste du monde (l'arachide sur le marché d'Abidjan); la présence d'une forte communauté émigrée en Europe permet d'entretenir des flux financiers entre le village et une autre continent (le reversement des salaires aux clans).

III Des parcelles géométriques au Dakota du sud (Etats-Unis).


Habiter le monde rural nord-américain, c'est travailler comme exploitant agricole (farmer) dans une exploitation isolée, au milieu de plusieurs townships (carrés cultivés de 8 ha de côté). C'est cultiver une ou deux céréales (comme ici le soja ou le maïs) dans le cadre d'une production intensive et commerciale. C'est pratiquer une agriculture moderne et mécanisée, qui compense la faible densité humaine (et le défaut de main d'œuvre locale) par l'utilisation de machines adaptées aux grandes surfaces cultivées. C'est vivre sur une gigantesque plaine de plusieurs milliers de kilomètres de long, avec autour de soi un paysage répétitif et monotone.

Habiter le Dakota du sud, c'est aussi être rural en vivant dans une résidence pavillonnaire tout en travaillant dans la ville la plus proche.



Voici ce qu'en dit un farmer nord-américain :

"Le paysage ici, c’est le maïs et le soja à perte de vue. Les rendements [quantité de production agricole] sont élevés. ma ferme de 300 hectares est assez grande. Travailler la terre, c’est un bon métier. Je m’en sors à peu prés tout seul. Ma femme et moi sommes allés à l’université et mes enfants y sont actuellement. Ma femme travaille dans une banque en ville. Mais qu’il y ait de la sécheresse comme cette année avec les dépenses qui continuent à courir, la situation devient vraiment difficile. Aujourd’hui, j’ai demandé à des ingénieurs de venir évaluer mes récoltes."
D’après le site Muséum Agripolis, 2009.


Ce texte décrit bien une manière particulière d'habiter un monde rural peu dense et isolé : on y pratique une agriculture moderne (l'accès aux ingénieurs agricoles, l'abondance de machines suggérée par le fait que le témoin travaille tout seul), liée aux grands circuits du commerce mondial (la monoculture) ; on y vit en liaison avec le monde urbain (les enfants à l'université, l'emploi de la femme).

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