
« C'est que la guerre est quelque chose de bestial : la faim, les poux, la boue, tous ces bruits déments. C'est que c'est tout autre chose. Tenez, avant mes premiers tableaux, j'ai eu l'impression que tout un aspect de la réalité n'avait pas encore été peint : l'aspect hideux. La guerre, c'était une chose horrible, et pourtant sublime. Il me fallait y être à tout prix. Il faut avoir vu l'homme dans cet état déchaîné pour le connaître un peu.»
Dix a souvent confié qu'il allait volontairement en première ligne. Il était en quête d'un réalisme hideux. Même s'il avait peur, il voulait voir des hommes tomber à ses côtés.
Un témoin des souffrances du front.


Ici, l’art d’un seul peintre rend mieux compte de la vérité des tranchées que les images de la presse et de l’état.
Un témoin de l'angoisse des soldats.

Comparez l'angoisse, l'horreur exprimées dans cette eau-forte de 1916 (Le blessé) avec cet article de presse français typique du "bourrage de crânes" de l'époque : "Les blessures causées par les balles ne sont pas dangereuses.[...] Les balles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure..." ( L'Intransigeant, 7 août 1914).
Dix et l'après-guerre allemande.
Après la guerre, Dix a réalisé deux tableaux montrant les conséquences physiques de la Grande guerre sur les anciens combattants. « Gueules cassées » des Joueurs de cartes (1920), estropiés de Rue de Prague (1920) dont les caractéristiques physiques sont exprimées jusqu’au grotesque. Au début des années 1920, les états n’ont pas peur de montrer la dévastation physique laissée par la guerre, à la fois par fierté et par devoir de mémoire. La laideur, jusque là cachée par la censure, a été récupérée par les discours officiels et les associations d’anciens combattants. Au Congrès de Versailles, Clemenceau fait aligner quelques "gueules cassées" devant les délégués allemands pour montrer les conséquences humaines de la guerre et susciter en eux un sentiment de culpabilité. Les soldats n'hésitent pas à afficher leurs difformités en public. Le plus souventn, les peuples acceuillent cet étalage morbide avec respect.
Le propos de Dix se situe à rebours de cette récupération dramatique et patriotique des traces de la souffrance militaire. Dix choisit de montrer les soldats comme des pantins ridicules.

Dans Les joueurs de cartes, le décalage entre la banalité de la situation (le jeu) et l’aspect monstrueux des joueurs est frappant (un joueur tient la carte avec son pied). Le fait qu’un autre porte fièrement la croix de fer à sa veste est sans doute une critique du peintre à l’égard du nationalisme excessif exprimés par certains anciens combattants allemands.

Dans les années 1930, le propos lucide et pessimiste de Dix qui a profondément choqué les nazis. Ces derniers ont rapidement condamné voire détruit une partie de son œuvre (La tranchée).
Pour aller plus loin.
Je vous conseille de visiter :
-un site magnifique sur le rapport des peintres à la guerre 14-18 (cherchez les œuvres d’Otto Dix dans le sommaire).
-une page du site de l’Historial de Péronne, qui expose quelques eaux fortes du peintre allemand.
-une page d’un site d’anciens combattants montrant certains dessins de guerre
-une galerie virtuelle retraçant l’ensemble de son œuvre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire